Psychanalyse, l’autre mot pour la maïeutique ?
En fait, il me semble que la psychanalyse est bien loin de la psychiatrie et de la psychologie. Elle s’apparente davantage en partie aux « alcooliques anonymes », c’est-à-dire un processus qui nous a servi et par lequel on aide les autres en retour. C’est comme un devoir, une façon de remercier un processus qui nous a aidé. Alors que la psychiatrie c’est de la médecine et la psychologie une science humaine, donc tous les 2 dans un savoir intellectuel. La psychanalyse comme les alcooliques anonymes à avoir avec l’être, c’est une pratique de l’être. C’est pour cela qu’il ne s’agit pas de méthode ni de technique. C’est l’art de l’être. C’est un art par son aspect créatif car chaque séance est unique, il n’y a pas de modèle, de recette de manière de faire ; l’improvisation est permanente en fonction de l’être, justement. Il ne s’agit pas d’appliquer une théorie, mais d’inventer en fonction de telle personne à tel moment. C’est notre être qui est à l’œuvre dans l’écoute de tout analysant (terme plus approprié que « patient », on comprend pourquoi, et encore moins « client » comme disent certains psys, qui n’ont de psy que ce préfixe !).On comprend pourquoi notre trajet personnel analytique est fondamental, et on ne cesse de le triturer au cours de notre pratique, ce qui avait fait dire à un de mes analysant : « c’est un sacerdoce ce que vous faites ». Oui, je crois qu’il a raison, j’ai découvert cette exigence de dévouement au cours de ma pratique. Il m’est arrivé de rater train et avion pour cause de séance que je ne pouvais pas interrompre à temps. Ce ne sont là que de petits exemples. Mais alors pourquoi continuer ? C’est une bonne question.Il faut dire que l’accouchement des esprits, la maïeutique de Socrate, est aussi fascinant que l’accouchement d’un enfant que fait une sage-femme. Le miracle de la vie c’est fabuleux ; et lorsqu’il s’accomplit on oublie tous les moments difficiles qu’il a fallu traverser. Pour les traverser il nous a fallu ce mélange étrange entre notre être inconscient dont j’ai parlé plus haut et aussi la rigueur de penser acquise lors de notre trajet universitaire qui est aussi indispensable, condition nécessaire mais largement pas suffisante. Les études d’un doctorat, ou son équivalent, doivent nous donner une pensée rigoureuse qui empêche de tomber dans toutes les idées reçues psychologisante d’un « Reader’s Digest » ! La pratique psychanalytique a ceci d’unique c’est qu’elle est un savant mélange entre notre pensée rigoureuse universitaire et notre trajectoire personnelle de notre être inconscient autrement dit notre propre analyse. Les deux sont indispensables à cette pratique. On voit donc : Pas d’analyse sans analyse personnelle, pas d’analyste sans étude universitaire (une soutenance de thèse et de mémoire est nécessaire pour la rigueur) la formule pourrait être : Psychanalyse = être + rigueur. On voit qu’on est bien loin du psychologisme ou du psychiatrisme. Mais finalement aussi des alcooliques anonymes qui n’ont pas la rigueur universitaire. Ceci dit je crois que les études aussi bien médicales que psychologiques ont quelque peu périclitées car je rencontre beaucoup de ces professionnels qui n’ont pas acquis cette rigueur nécessaire. C’est bien dommage. J’ai remarqué aussi que ceux qui n’ont pas entrepris une démarche personnelle analytique au cours de leur études ont beaucoup de mal à le faire lorsqu’ils sont déjà diplômés, le diplôme fonctionnerait comme un bouchon difficile à faire sauter. Car effectivement la démarche analytique est une démarche souvent difficile, exigeante pour laquelle il faut du courage, de l’honnêteté et de la ténacité, toute qualité rare de nos jours. J’ai beaucoup de respect pour mes analysants qui ont toutes ces qualités. Je leur consacre du temps de ma vie et ils le méritent bien. C’est la capacité à se remettre en question qui est rare. Hors de question chez les pervers narcissiques qui viennent consulter pour prouver que ça ne marche pas. C’est difficile aussi pour les personnes investit d’un certain pouvoir, tel que les chefs d’entreprises, professeurs, médecins, magistrats, etc. De toute façon la démarche est difficile à un moment donné du trajet analytique pour tout le monde, mais ça vaut la peine. On dit bien que la psychanalyse c’est l’analyse des résistances. Une résistance c’est fait pour résister. Résoudre cette résistance c’est là tout le challenge de ce travail sur soi-même. Ce sont des moments pénibles qu’il s’agit de traverser le plus calmement possible malgré les remous, les vagues et les tempêtes. Ce sont des moments nécessaires et fructueux, car tout le travail se joue dans ces moments-là. Il faut aller à sa séance analytique surtout si on ne veut pas y aller, car ça veut dire qu’une question essentielle est sur le tapis même si on ne la voit pas, elle est là même bien cachée. C’est là que la ténacité jour un rôle déterminant. Et quel bonheur quand la résistance a été résolu. On voit les gens changer à vue d’œil, comme une renaissance. Vive la maïeutique de Socrate car la démarche analytique est finalement plus philosophique (le sens de la vie et la mort) que médical ou psychologique.