Non aux « psys » apprentis-sorciers

Réponse à un article paru dans « Psychologies Magazine »

Ce n’est un secret pour personne, le laxisme conduit à la répression. Alors pour éviter la répression, si on commençait par éviter le laxisme … le laxisme auquel je me suis moi-même complu par exemple, en ne réagissant pas par écrit à l’interview que vous fîtes paraître dans le n° de février 2003 p20 sous le titre « non aux psys trop rigides »*
Tout d’abord psy et rigide c’est incompatible: il ne s’agit donc pas de savoir si c’est trop, pas assez ou suffisant, c’est que tout simplement, ça ne va pas ensemble. La rigidité étant la plupart du temps une réaction de peur, d’inconfort, d’insécurité, il va donc de soi qu’il est l’apanage justement des apprentis-sorciers et non des psys correctement formés. Par contre la rigueur – et la rigueur éthique en particulier – est une nécessité absolue dans la pratique de tout psy.
C’est à cette condition que peut se jouer toute l’efficacité d’une cure analytique. C’est en tous les cas la condition sine qua non côté analyste. Mais il va de soi que l’analyste ne fait pas la pluie et le beau temps et il est nécessaire pour une bonne fin de cure que la condition indispensable côté analysant soit également satisfaite – à savoir la ferme détermination d’aller au bout de sa cure avec cet analyste là, quel qu’il soit et quoiqu’il se passe – or ce qui est décrit dans votre interview n’a rien à voir avec la psychanalyse: Il est question de « patient », donc registre médical et non psychanalytique.
« Ces patients qui ont erré de psychanalyste en psychanalyste » n’ont ils pas plutôt erré de psychiatres en psychologues? Il y a malheureusement beaucoup de confusion entre la psychanalyse et la pratique médicale ou psychologique, or ces registres sont diamétralement différents. Car en effet les seuls analysants qui « errent » de psychanalystes en psychanalystes sont soit ceux de structures perverses dont le seul but est de mettre en échec l’autre qui représente la loi, soit ceux qui ne veulent pas que leur analyse avance et qui, face à leurs résistances préfèrent les contourner en prenant la tangente en changeant d’analyste plutôt que d’analyser ce à quoi ils résistent, le ressort de leur analyse se jouant là-dessus. Il est clair que ce sont là des moments cruciaux dont dépend l’efficacité de la cure analytique. Si « l’analyste » caresse constamment dans le sens du poil ( « tenir la main » ), il est clair que ce sera confortable pour son « patient » ( dans ce cas là, ce n’est pas un analysant ), ça va faire plaisir au patient, « l’alléger », il va se « sentir mieux », « plus fort » etc. car lorsqu’on a une jambe cassée, c’est plus facile de marcher avec une béquille.
Cette béquille s’appelle psychothérapie de soutien et n’a rien à voir avec la psychanalyse, qui elle, est là pour permettre à l’analysant de dénouer les facteurs inconscients de sa problématique afin de vivre de façon authentique son propre désir libéré des nœuds du passé et de la généalogie, sans aucune béquille, en toute liberté. Pour obtenir ce résultat la séance analytique doit être supportable et non confortable. Pour le dosage du supportable et l’analyse de l’insupportable, il est important que l’analysant s’exprime et s’interroge là dessus, ce qui sera d’ailleurs fructueux pour sa progression alors que le confort ferait au contraire office de fermeture. C’est souvent dans ces moments difficiles que l’analysant retourne voir son « prescripteur » ( psychiatre, psychologue,généraliste etc. ) pour se plaindre de son analyste. Il va de soi que le rôle du « prescripteur » dans ces cas là, est justement d’encourager son patient à exprimer tous ses griefs directement auprès de son analyste, dans son propre intérêt quels que soient les défauts de l’analyste.
Alors bien sûr, on a le droit de choisir, certains préfèrent les béquilles ou le masque ( autre variante ) de la psychothérapie, d’autres préfèrent la liberté de la psychanalyse. Il n’y en a pas une qui soit mieux que l’autre, chacun ses goûts tout simplement. Il n’y a donc rien à comparer puisque ce sont des registres différents.
Le laxisme consiste à tout mélanger; c’est par exemple ce qui s’était passé dans cette interview sur la face cachée soit disant de la psychanalyse. « Mais alors si j’allais plus mal qu’avant, où était l’éthique professionnelle? » dit votre interviewé « psys » . Lorsque l’on est psy, on sait que les moments où l’analysant va plus mal qu’avant, sont les moments les plus féconds de la cure, passages obligés à traverser pour résoudre fondamentalement le conflit inconscient qui bloque sa vie -c’ est très désagréable pour tout le monde ces passages là- pour l’analyste comme pour l’analysant, mais c’est à ce prix là qu’une analyse se termine avec efficacité.
Bien sûr, il faut « se faire confiance », et si on a choisit de commencer avec tel psy, se faire suffisamment confiance pour persévérer et faire confiance au psy en question. Si on n’a « pas l’impression de progresser », il faut lui en parler et analyser notre « impression », c’est ça qui est fructueux; changer d’analyste à ce moment là c’est se mettre des bâtons dans les roues, justement pour ne pas progresser. De toutes façons, changer d’analyste est, la plupart du temps, la plus mauvaise solution. Le courage de persévérer pour analyser toutes nos résistances les unes après les autres, voilà ce qui libère. Notre libération est dans nos mains et non dans celle de l’autre, fut-ce un analyste. Changer d’analyste c’est accorder plus d’importance à l’autre qu’à soi-même, c’est là l’erreur. Alors si face cachée il y a, ce n’est peut-être pas celle de la psychanalyse Si cette interview fait quelque peut capharnaüm, peut être que ce qui y contribue est notamment cette appellation fourre-tout de « psy », qui recouvre des notions diamétralement opposées » telles que la psychanalyse et le reste ( psychologie, psychiatrie, psychothérapie, etc. ) ; C’est ce que disait déjà notre regrettée Françoise DOLTO et elle avait bien raison.

* in Psychologies Magazine

  • Psychanalyste: spécialiste pour un travail sur l’inconscient quels que soient les outils médiateurs utilisés.
  • Psychiatre: médecin spécialiste pour un diagnostic psychiatrique et prescription de : médicaments psychiatriques, hospitalisation, orientation vers un psychologue pour un diagnostic ou vers un psychanalyste pour un travail sur l’inconscient.
  • Psychologue: spécialiste des connaissances en psychologie pour diagnostic psychologique, orientation, conseils psychologiques qui en découlent.
  • Psychothérapeute: ? Mon coiffeur à qui je raconte ma semaine. ma concierge avec laquelle je bavarde de temps en temps, ma meilleure amie et confidente pour papoter, ma petite-fille qui me fait un bien fou etc. Ce n’est pas un métier, d’où tous les problèmes actuels (loi Accoyer qui ne s’en sort pas).

Hourik-Clo ZAKARIAN